Les "Castors"

Il existe à l'ouest de la place Aristide-Briand un curieux ensemble de pavillons d'un ou de deux étages, tous quasiment identiques. Ces 84 maisons ont comme particularité d'avoir été construites par ceux qui étaient appelés à les habiter. C'est pourquoi on les appelle les "Castors".

Le lotissement du parc de la cerisaie

Parc de la Cerisaie 1946

L'ancien fief de la Cerisaie, appelé alors fief de Bussy ou de la Couldraye, occupait la superficie comprise entre les rues du Docteur-Peyrot, Tarbé-des-Sablons, George-V, avenue Marguerite, rues Marcel-Sembat et de l'abbé de l’Épée. À la fin du XIXe siècle, elle appartenait à Jules Huyot, ancien maire d'Eaubonne pendant 31 ans.
Un premier morcellement commence au début du XXe siècle par l'achat de plusieurs terrains par Monsieur Margery qui procède à un découpage par lots à construire en 1911. A cette époque sont crées l'avenue Marguerite et la rue Colette, que rejoindra plus tard, en 1930, la rue Louis-Masson. Les terrains bordant l'allée du Parc sont également lotis, mais l'allée elle- même existait déjà du temps du fief de la Cerisaie. Ces voies privées seront municipalisées en 1954.


Ce qui restait du parc fut vendu vers 1918 au magasin le Printemps pour en faire un terrain de jeux pour ses employés. Dans les années 1930, une deuxième partie du parc est vendue au Foyer du Fonctionnaire, mouvement de logements sociaux devenu de nos jours 3F. Une rue dite « du Foyer du Fonctionnaire » et plus tard rue des Pâquerettes, est percée à l'ouest et parallèle à la rue des jardins qui, à l'époque, partait de la rue Tarbé des Sablons et s'arrêtait à l'endroit de l'actuelle rue Joseph-Bethenod, qui n'existait pas encore. Les terrains sont lotis et des pavillons construits entre les rue des jardins et des Pâquerettes, et à l'ouest de celle-ci. Ce n'est qu'en 1952 que la rue des jardins rejoint son homonyme partant de la rue George-V et s'arrêtant peu après la rue Louis-Masson où elle servait d'entrée au Manoir de la Cerisaie. 

Image: Cadastre de 1946. A gauche de la place Aristide-Briand, les terrains du manoir de la Cerisaie qui deviendront le lotissement des Castors à partir de 1951 (©Archives Municipales d'Eaubonne)

L'ancien manoir de la cerisaie

plaque La Cerisaie

Construit au XIXe siècle dans l'alignement des deux pavillons de garde construits rue du Dr Peyrot pour Normand de Mézières par Ledoux, cet ensemble était distinct du Château du Bon Accueil, construit sous Louis-Philippe (1830 - 1848) et qui lui faisait face. Son entrée principale était à l'ouest et desservie par un bout de la rue des jardins qui partait de la rue George-V et s'arrêtait devant son portail. Le parc était entouré de murs, on peut les voit encore dans les cartes postales de l'époque. 


Du Manoir de la Cerisaie (aussi appelé le Petit Château de la Cerisaie) et de son parc, il ne reste aujourd’hui que le bâtiment principal. Son orangerie (carrefour Bethenod / Pâquerettes), son mur d’enceinte (rue Tarbé des Sablons et rue du Dr Peyrot, rue des jardins) et ses tennis furent démolis en 1953. Par contre, un maximum d’arbres du parc furent conservés, et on peut voir encore quelques magnifiques chênes qui subsistent. La société des Castors ayant rencontré quelques difficultés en 1955 pour financer les travaux d’aménagement, ce bâtiment fut concédé à la Société Fayolle en échange de l’aménagement (empierrement, revêtement) de la rue Joseph-Bethenod. Ce manoir fait l'objet, en 2012, d'une réhabilitation complète. Il est toujours visible au 1 de la rue Joseph-Bethenod.

Image: plaque céramique apposée sur le portique d'entrée du manoir de la Cerisaie. (Collection privée. DR)

les Castors 1952 (D.R.)

Centrale à béton pour les auto-constructeurs. (Cliquez sur la photo pour l'aggrandir.)

© Collection privée, DR

Le mouvement d'auto-construction des "Castors"

les Castors vue aérienne

Restaient alors en 1950 la moitié sud de parc ainsi que les terrains du Manoir situés à l'est. C'est cet ensemble de 5 hectares en «V » qui fut acquis en 1952 par la Société Française Radio-électrique (S.F.R.) qui fonda la société immobilière « Les Castors»
pour permettre à ses employés de construire eux-mêmes leurs maisons.

Pourquoi «les Castors» ?

Un premier mouvement organisé d'auto-construction est né en 1921 en France, sous le nom de « cottages sociaux » mais très vite l’appellation de « Castors » désigne ces nouveaux constructeurs car l'organisation du chantier et la quasi-totalité des travaux étaient effectuées par les membres de ces groupes pendant leur loisirs. Du fait de la pénurie de logements dans l’immédiat après-guerre, entre 1946 et 1952, les
coopératives Castors font leur apparition dans plusieurs régions de France. Certaines entreprises privées ou publiques ( PTT, SNCF, RATP ...) participent aussi à la création de coopératives. 

Ainsi la S.F.R. (Société Française Radio-Electrique, fabricant des postes T.S.F. Radiola, (un des ancêtres de Thomson-CSF devenu Thales) a financé l’achat du terrain de la Cerisaie à Eaubonne : 84 employés de la S.F.R. et de ses filiales ont rejoint ce qui est devenu un des plus importants mouvements Castor de France. Pour payer leurs terrains, ils se voyaient prélever une somme, selon la surface achetée, sur leurs fiches de paye. Chaque Castor avait un « carnet d’heures » individuel dans lequel son temps de travail était pointé, évalué, et déduit du prix d’achat de la maison. 

Le terrain de 5 hectares était acheté en 1952 (voir ce terrain sur le cadastre de 1946), les travaux ont commencé en janvier 1953. Une centrale à béton fut installée au milieu du terrain pour fabriquer sur place les parpaings, les hourdis, les panneaux de façade, les bordures de trottoir... en plus du béton pour les fondations et les planchers (voir les photos de cette époque). Le sable et le gravier furent acheminés par péniches jusqu’au port de Gennevilliers / Argenteuil, puis transporté par camion sur le chantier. Le bois de coffrage et de charpente venait par train de nuit jusqu’à la gare d’Ermont-Eaubonne. Les tuiles de couverture venaient du Nord, et étaient livrées juste à temps pour être posées depuis les camions directement sur les charpentes. 

Les Castors étaient répartis en équipes : terrassement, fabrication de parpaings, charpente, électriciens et entretien du matériel, etc. Ils étaient assistés par quelques spécialistes embauchés pour l’occasion : plusieurs maçons et coffreurs, et bien sûr un architecte et un chef de chantier. Certains dormaient sur place, sous des tentes à la belle saison, puis, dans leurs maisons une fois «
hors d’eau » même sans portes ni fenêtres. Ils achetaient des bottes de paille chez le grainetier de la rue du Général-Leclerc qui leur servaient de lit.... 

L'artère traversant le lotissement d'Est en Ouest s'appela provisoirement rue Nouvelle, avant de devenir, à la demande des nouveaux habitants, le 31 octobre 1958, la rue Joseph-Bethenod en souvenir de ce grand savant de la radio-électricité, membre de l'Institut (1883-1944.

Image: photo aérienne de la construction en cours des pavillons des "Castors" derrière la place Aristide-Briand. (©Archives Municipales d'Eaubonne)

Création de l'école maternelle de la Cerisaie

étude maternelle la Cerisaie

Après la deuxième guerre mondiale, la ville d'Eaubonne commence à acquérir des terrains appartenant à des particuliers dans la partie ouest du parc, pour prolonger la rue Jules-Ferry et construire une école maternelle. Environ 4 000 m2 de terrains sont ainsi acquis. Le projet initial voulait que la rue Jules-Ferry soit prolongée depuis la place Aristide-Briand jusqu'à l'intersection de la rue Marcel-Sembat avec la rue de l'abbé de l’Épée, mais cette idée fut abandonnée par la suite.

Ci-contre le plan des acquisitions de 1954 dans le but de créer l'école maternelle (cliquez dessus pour l'aggrandir). ©Archives Municipales d'Eaubonne

Le Parc neuf

Dernière parcelle de l'ancien fief, répartie entre 7 propriétaires et peu construite après la guerre, le Parc-Neuf, à l'angle nord-ouest du parc, fut loti après 1955. L'allée du Parc- Neuf fut tracée à partir de la rue de l'abbé de l’Épée, et 10 maisons construites dans le même style en pierre de taille.

texte rédigé par Paul MORSE en juin 2007, repris et complété en février 2016 et en janvier 2018.