Famille Huyot

La famille Huyot a illustré Eaubonne par plusieurs de ses membres :

  • Jules Huyot (1841-1921), graveur sur bois, maire d’Eaubonne et propriétaire du Parc Neuf dans le quartier de la Cerisaie,
  • Son fils, Albert Huyot (1872-1968), peintre post-impressionniste reconnu, qui occupé le « Chalet de l’Artiste », rue George V,
  • Son gendre, Pierre Petit (1882-1854), photographe, qui a notamment couvert les inondations de Paris en 1910 
Jean Marie Joseph Jules HUYOT

Jean Marie Joseph Jules Huyot (connu sous le prénom de Jules) naît à Toulouse le 11 janvier 1841. Son père Étienne (que l’on trouve parfois sous le prénom de Frédéric), époux de Joséphine Catherine Blanadet, fonde en 1845 à Paris un important atelier de gravure d’où sortiront presque toutes les illustrations de la maison Firmin-Didot, depuis cette date jusqu’en 1878 : entre autres Horace et Virgile, d’après les dessins de Barrias et l’Âne d’or d’Apulée. Il a auparavant travaillé pour Banque de France, dont il a gravé le premier billet de 200 francs. De 1830 à 1848 la famille réside à Toulouse, avant de s'installer à Paris, 82 rue du Cherche-Midi.

Étienne est pourtant né dans a pauvreté à Paris en 1807, enfant naturel de Marie Louise Françoise Huyot. D'après une tradition familiale, transmise de génération en génération, (que nous n'avons pas pu vérifier) le frère de Marie Louise n'est autre que l'architecte et égyptologue Jean-Nicolas HUYOT, membre de l'Académie des Beaux-Arts et un des architectes de l'Arc de Triomphe. En effet, les dates coïncident, mais les preuves formelles manquent.

Étienne rencontre sa femme à Toulouse, dont elle est originaire. Les Blanadet sont tailleurs d'habits et bottiers à Toulouse depuis trois générations. C'est là où seront nés Jules, ses frères cadet Alfred Jean Bernard (qui deviendra professeur Honoraire au Lycée Louis-le-Grand) et Pierre François Henri. Sa sœur, Louise Catherine Françoise naîtra fin 1849 à Paris. Deux des frères seront décorés de la Légion d'Honneur : Jules en 1900, Alfred en 1903.

Le jeune Jules marche tout naturellement dans les pas de son père, dont il est successivement l’élève, l’associé et le continuateur. Il devient vite un graveur sur bois réputé, à une période où les revues et les livres d’art s’ornent de nombreuses illustrations, qui nécessitent des lithographies de grande qualité.

Il gravit avec brio les échelons de sa profession au point d’en devenir une des figures emblématiques. Son palmarès impressionnant lui vaudra en octobre 1900 la Légion d’honneur : Membre du jury à l’exposition universelle de 1900.

  • Hors concours à la Société des artistes français.
  • Membre du jury du Salon pendant 15 ans.
  • Membre du comité des 90 (Société des Artistes Français), dont il est vice-président de la section des graveurs.
  • Il est surtout fondateur et président, en 1885, de la Société des artistes dessinateurs et graveurs sur bois français, dont il deviendra président d’honneur.

Son implantation à Eaubonne n’est pas le fruit du hasard : il rencontre une jeune Eaubonnaise de 18 ans, Marie Louise Antoinette LABOLLE, fille de Louis Nicolas Labolle et de Madeleine Toudy, qu’il épouse à Eaubonne le 26 septembre 1868, à l’âge de 27 ans. Tout en gardant à Paris une maison rue Saint-Placide et son atelier, il achète vers 1860 une grande propriété appelée Parc Neuf (cf. ci-après), dont une partie appartenait déjà en propre à la famille Labolle.

De ce premier mariage sont issu deux enfants :

  1. Étienne Marcel Albert HUYOT, devenu artiste peintre, né le 8 juin 1872 Paris 6ème, resté célibataire,
  2. Joséphine Louise Madeleine HUYOT, née le 5 juin 1875 à Paris 6ème, épouse d'Émile Louis de RUAZ, artiste graveur lui aussi. Ils demeurent ensemble 8 rue Gager-Gabillot à Paris 15ème

Il s’investit d’une manière importante dans la vie sociale et politique eaubonnaise, au point d’en devenir un édile au parcours peu banal : conseiller municipal de 1881 à 1898, maire de 1898 à 1904, conseiller municipal en 1904, à nouveau maire de 1905 à 1908 et une dernière fois conseiller municipal de 1908 à 1912. Soit en tout 31 ans de mandat.

Il perd son épouse en 1892. Ensuite il entretien une relation avec Marie Petitqueue de Paris, avec qui il aura en 1896 une fille naturelle,

  1. Yvonne Juliette Petitqueue, qu’il reconnaîtra en 1906 et légitimera par son mariage en 1907, et
  2. Robert Jules Henri HUYOT, né le 11 novembre 1908 à Eaubonne et décédé en 1993 à New York.

Jules Huyot décède à son domicile eaubonnais le 12 mars 1921. Bien que remarié, il est enterré dans le caveau de sa première épouse, au cimetière d’Eaubonne (Ancien Cimetière, Division 1, Section 1, Tombe 20).

Jusqu'en 1910 la famille Huyot est officiellement domiciliée à Paris, 34 rue Sainte-Placide, puis 93 rue de Rennes dans le 6ème Arrondissement. A partir de 1911, ils sont recensés à Eaubonne, 12 rue d'Ermont (actuellement 18 bis rue George-V), avec domestique, femme de chambre et jardinier.

Jules HUYOT graveur sur bois

Jules Huyot est le promoteur et le brillant représentant de la nouvelle école de gravure sur bois de la fin du XIXe siècle, qui cherche à rivaliser, pour la couleur et l’effet, avec l’eau-forte (gravure sur métal à l’aide d’un acide). Le graveur exerce un métier ingrat, car il n’est pas créateur du dessin qu’il exécute. Travaillant généralement avec un illustrateur, voire un peintre, il a la délicate mission d’interpréter, avec sa technique mais aussi son génie propre, les différentes nuances de l’œuvre qu’il doit livrer au public. Au final, ce dernier ne retient souvent que le nom de l’artiste à l’origine du dessin ou du tableau. Le graveur sur bois est essentiellement un sculpteur, qui travaille à l’aide d’un burin ou d’une gouge.

Les gravures sur bois utilisent l’empreinte en relief, alors que les gravures sur métal utilisent la technique de taille-douce (impression en creux). Contrairement aux gravures sur plaques de cuivre, qui se détériorent rapidement et qui sont surtout difficiles à encrer, elles peuvent être utilisées sur des presses conventionnelles, qui ont connu des progrès mécaniques rapides dans le premier quart du XIXe siècle. La gravure sur bois sera définitivement supplantée dans le journalisme et l’édition courante par la photographie et ses dérivés, comme la similigravure. Elle sera dès lors réservée à l’édition d’art. 

L’œuvre de Jules Huyot

Le graveur eaubonnais, après avoir travaillé avec de grandes revues comme L’Illustration ou la Mode Illustrée, se fera surtout connaître par des livres d’art portant sur des œuvres d’auteurs en vogue, illustrées par des dessinateurs de renom (comme Maurice Leloir, connu notamment par l’illustration d’ouvrages de Jean-Jacques Rousseau, en particulier Les Confessions)

Principaux ouvrages auxquels il a collaboré

  • 1880 L’œuvre de Walter Scott en 20 volumes
  • 1885 Nos Oiseaux, d’André Theuriet
  • 1886 Histoire de Manon Lescaut et du chevalier des Grieux, de l’abbé Prévost, préfacée par Guy de Maupassant et illustrée par Maurice Leloir
  • 1892 Le centenaire de l’École polytechnique
  • 1892 Candide, de Voltaire
  • 1895 Pêcheur d’Islande, de Pierre Loti
  • 1896 Les trois mousquetaires, d’Alexandre Dumas

NB. Ce sont là les ouvrages que Jules Huyot a lui-même cités en vue de l’obtention de la Légion d’honneur À noter également une collaboration familiale : la Bibliographie de l’abbé Cochet, de Marcelin Blanadet (son cousin), en 1895. Jules Huyot grave sur bois le portrait de l’abbé Cochet, dessiné par son fils.

Après 1900, Jules Huyot se consacrera surtout à ses œuvres sociales et municipales et gravera plus rarement.

Propriétés de la famille HUYOT à Eaubonne

Villa Huyot

La villa Huyot 18 bis, rue George V. est acquise en 8 avril 1857 par Jules Huyot. Une partie du terrain appartenait déjà à son épouse Marie Labolle. Cette villa, entourée d’un jardin d’agrément de plus de 1 000 m2, a été entièrement reconstruite vers 1860 à l’emplacement de deux maisons contiguës qui, implantées symétriquement au Pavillon Italien (donnant sur la rue des Jardins), faisaient sans doute partie du périmètre où Joseph Florent de Mézières, seigneur d’Eaubonne, avait édifié son « Château Neuf », dans l’ancien fief de Bussy, dont il était aussi le châtelain.

Cette villa est toujours visible rue George-V, au numéro 18 bis.

Avec sa première épouse, Marie-Louise Antoinette Labolle, native d’Eaubonne, Jules Huyot possède également la propriété de La Cerisaie, appelée aussi Parc Neuf. Ce domaine correspond à peu près aux terres de l’ancien fief de Bussy, acquises en 1681 par François Le Normand, avocat au Parlement, et sur lesquelles son fils, Joseph Florent Le Normand de Mézières, a fait construire vers 1760 un « Château Neuf », magnifique demeure de style classique détruite au début du XIXe siècle. Saisie après la Révolution comme bien national, la propriété passe dans différentes mains. Le Manoir de la Cerisaie, édifié vers 1805 à quelques mètres de cet ancien château, est toujours debout et visible au 1, rue Joseph-Bethenod ou rue des Jardins.

Le Chalet de l’Artiste -  18, rue George V

le chalet d'un artiste

Après 1892, Jules Huyot fait construire, à quelques mètres de son habitation, un bâtiment à usage d’atelier, donnant directement sur la rue George V et destiné à son fils Albert, artiste peintre (cf. ci-après). Ce chalet, de style normand très prisé dans les années 1900 présente l’originalité d’être un des seuls édifices de la Vallée de Montmorency à être construit avec de vrais colombages. L’atelier du premier étage, doté d’une grande verrière surplombant le jardin, sert encore de pièce de travail à un artiste peintre eaubonnais.

Plus tard, cet atelier sera également occupé pendant quelque temps par l’artiste photographe Pierre Petit, fils du célèbre photographe Pierre Lanith Petit et marié à Yvonne Juliette HUYOT. Ils demeurant ensemble 122 rue La Fayette à Paris 9ème. Pierre Petit se rend célèbre en couvrant l’impressionnante crue parisienne de 1910. Ce couple divorcera en 1925.

Fils et petit-fils de graveurs, Etienne Marcel « Albert » Huyot évolue dès son plus jeune âge dans un milieu artistique fécond. Il passe le concours de l’École des Beaux-arts puis il entre dans l’Atelier de Gustave Moreau, où il côtoie Georges Rouault, Albert Marquet, Henri Matisse. Ses premières œuvres s’apparentent aux recherches impressionnistes. Puis, dès 1910, sa palette se tourne vers des couleurs plus fauves. Il se lie d’amitié avec Matisse, à qui il rend visite à Collioure. L’année 1912 marque chez lui un changement artistique majeur. Il se tourne vers le cubisme dans la mouvance d’artistes comme Le Fauconnier, Gleizes et Metzinger. L’originalité de son œuvre réside dans son attrait pour les compositions de thème musical, qui reflètent son gout mélomane.

Peinture et collage sont liés, sous l’influence des œuvres de Picasso et de Braque. On remarque mêmes, dans certains collages de photographies découpées, un esprit surréaliste avant la lettre. Il participe aux soirées « Lyre et Palette » dans l’atelier du peintre Legendre, rue Huygens à Montparnasse, où sont réunies simultanément peinture, poésie et musique avec des artistes comme Picasso, Matisse, Modigliani ou Cocteau

Au cours de se carrière, Albert Huyot expose à Paris aux Indépendants, au Salon des Tuileries et au Salon d’Automne, mais aussi à Bruxelles lors de la Grande Exposition de 1920 et à Amsterdam. Une première exposition personnelle d’Albert Huyot se tient à la galerie La Licorne en 1920 puis à la galerie Druet en 1921. Il est soutenu par la célèbre galerie Berthe Weill, qui lui consacre une exposition personnelle en mai 1926, puis en 1931. Très vite intéressée par son oeuvre, Berthe Weill tente de le convaincre de participer plus souvent à des expositions. Comme beaucoup d’artistes cubistes de l’époque, Albert Huyot se tournera vers une peinture classique. La gamme colorée deviendra plus sombre, le dessin plus dépouillé, pour revenir à un certain réalisme dans les tableaux de nus et les scènes d’intérieur et d’extérieur. .

Une grande famille d'artistes (Voir l'Arbre Généalogique)

Pierre François Antoine Petit

Outre Jules le graveur, la famille Huyot et ses alliés comptent plusieurs artistes :

1) la fille de Louise, Marie Françoise Joséphine COURTOT (née en 1867) est artiste peintre, son mari Eugène VAUTRAVERS est musicien, organiste principal et maître de chapelle de l'église Saint-Michel des Batignolles dans le 17ème Arrondissement de Paris,

2) le mari de sa fille Joséphine, Émile Louis de RUAZ, est aussi dessinateur et artiste-graveur, Président de la Société Artistique de la Gravure sur Bois et médaillé du Salon des Champs-Elysées,

3) comme nous l'avons vu, son fils Étienne Marcel « Albert » était un artiste-peintre reconnu

4) sans oublier sa deuxième fille, Yvonne Juliette, dont le mari était le photographe connu Pierre François Antoine PETIT, dont voici le portrait à droite :

Quant à Robert, le fils cadet de la famille, il quitte Eaubonne avec sa mère en 1922, après le décès de Jules. Ils sont un temps propriétaires d'un hôtel à Enghien jusqu'en 1938 (à l'emplacement de l'actuel cinéma). Ensuite Robert émigre définitivement aux États-Unis et s'établit à New York où il se marie avec une américaine, Rita Sullivan. Après avoir fait carrière dans l'hôtellerie, il devient à terme le président du groupe Hôtels Intercontinental. Robert décède à New York en 1993. Trois filles sont issues de cette union, toute de nationalité américaine et résident encore de nos jours aux États-Unis. Elles et leurs familles sont les seuls descendants directs connus de Jules Huyot.

D'après l'exposition présentée par le Cercle Historique et Archéologique d’Eaubonne et de la Vallée de Montmorency, à la Maison des associations en novembre 2013


Textes rédigés par : Hervé Collet et Paul Morse – novembre 2013 – novembre 2015, corrigés et augmentés en janvier 2018